Cette hypothèse est
presqu’une évidence, et pourtant elle fait partie de ces évidences qu’on ne dit
jamais comme tout ce qui va sans dire.
aut-il en faire la preuve ou
suffit-il de le rappeler au passage?
Cela interroge à mon sens
surtout la permanence du discours euphémique des « démocrates » sur
la démocratie. Ce qu’on appelle communément le discours
« politique ».
Les
« démocrates officiels » sont en nombre. C’est à croire qu’ils
« représentent le peuple »!
Et c’est bien dire si et
comment, cette « hypothèse » que j’avance béatement, renvoie à la
question rousseauiste de la représentation :
En quoi toutes les méthodes
et les idées de « représentation du peuple » ont-elles depuis 1789 contribué
à la marche en avant du concept magique de démocratie?
En quoi le système électoral
garantit-il quoi que ce soit d’une organisation ou d’un régime démocratique ?
(voir ici le texte «Pourquoi il est immoral d'aller voter. »
et « La sélection électorale des psychopathes. »)
Peut-on espérer une hausse
tendancielle du désir de démocratie chez les acteurs sociaux tous venants et la
« démocratisation » des régimes parlementaires qui serait susceptible
de s’en suivre?
Peut-on dire sans choquer que
le capitalo-parlementarisme ne constitue en aucun cas un régime démocratique?
a consistance
« parlementaire » des régimes politiques qui prospèrent sur la
planète depuis plus de deux siècles montre maintenant de façon criante
l’absence de toute possibilité et surtout de toute velléité de justice, de
partage de la richesse, de désir commun de participation au gouvernement de la
cité. On veut amasser, consommer, gouverner. On veut la distinction et la
jalousie, en aucun cas l’égalité et la communion. Et surtout pas l’égalité des
chances. Tout le monde, même sans l’avoir lu, a très bien compris la critique
de Bourdieu à l’endroit de l’inégalité des chances. Et tout le monde (ou
presque), tout en voulant bien prolonger ces idées d’une pétition de principe
dans le sens de l’égalité des chances, sait très bien qu’il s’agit là des lois
de la guerre, et que chacun, au-delà de tous les euphémismes républicains sur
l’égalité, la liberté et la fraternité des consciences, défendra bec et ongles
son territoire féodal, ses avantages acquis, ses titre nobiliaires universitaires
ou administratifs, ses actions en bourse, et cela tout en cotisant à la CFDT,
en soutenant médecins sans frontières, le téléthon, en choisissant les AMAP, le commerce équitable
et en poussant ses enfants dans la course aux grandes écoles. Il n’y a pas de
mal. Il n’y a que des bobos.
C’est innocent et
compréhensible même au regard de l’histoire :
Avant 1789 le peuple aimait
la monarchie, depuis cette date, il aime la bourgeoisie parlementaire.
Et cela
ne se restreint pas à la France profonde.
L’occident tout entier se méfie de la
démocratie comme de la peste.
Alors pourquoi s’étonner du développement durable
et du maintien des deux structures antagonistes de l’aristocratie
parlementaire, que sont les jeux fascistes du cirque médiatique d’une part, et
la sélection eugénique des élites du système par les élites du système de
l’autre?
l restera toujours quoique
j’en dise, dans les idéaux bohèmes des ayant droits intellectuels des
instituteurs de la République laïque protectrice et bienveillante, ce projet de
démocratie idéale comme justification morale des positions et de la pureté des
intentions, d’autant plus volontiers affichés avec les innombrables logos de la
République, que tout le monde sait pertinemment que les choses ne sont près de
bouger dans le sens d’un partage du pouvoir réel et réparti dans le champ
social.
Je ne fais que commenter la
machinerie à euphémismes gouvernementaux analysée et critiquée beaucoup plus sévèrement
que je ne le fais, par Bourdieu, qui savait lui-même combien rares étaient ceux
qui partageaient son profond désir de démantèlement du pouvoir élitiste.
Il n’y a pas de « désir »
de pouvoir. C’est une volonté. Et c’est la volonté du peuple. Mais il ne le
veut pas pour lui : il veut le pouvoir pour le confier ou plutôt l’abandonner
aussitôt qu’obtenu à des « représentants » qu’il adule dans des
stades, à la télé, au cinéma, sur les bancs de l’école, sur les affiches
électorales, dans les partis, à l’hôpital, et en prison. Je reprends en boucle
les litanies de Foucault car on n’en a jamais épuisé la force, même pas lui.
Le peuple veut l’élite, la
sélection, le spectacle, les subventions, les signes du pouvoir, l’autorité.
Au fond, le peuple est à
droite.
ais la meilleure façon de maintenir ces idéaux de la droite, c’est la
religion de la démocratie théorique et utopique, future, celle qui est censée
garantir un paradis à venir pour nos enfants (ça ne vient pas vite).
Je suis pour ma part
favorable au développement tendanciel et définitif d’une démocratie réelle et
machinique, qui est possible à l’intérieur de la République et qui aurait tout
à gagner à en sortir, sans pour autant réaliser ni une internationale
communiste ni une organisation mondiale du commerce.
Il est vrai que cela
constitue un projet politique qui n’est pas partagé par le plus grand nombre.
Ce qui me laisse peu de
chances d’être entendu.
Ce n’est bien-sûr pas une
raison pour me taire.