Ou :
Pourquoi
il faut tendre à aller vers une démocratie véritable, c'est-à-dire qui pratique
le scrutin populaire uniquement sur des « IDEES » et non sur des représentants,
et qui remette en marche les pratiques de tirage au sort de magistrats
temporaires, volontaires, intéressés et indemnisés par la République
Démocratique véritable.
e vais donc essayer de prouver et
de convaincre à un propos qui n’est pas du tout dans les mœurs de la République
et encore moins dans l’éthique exprimée et colportée de la « démocratie
libérale » dont je dénie la nature démocratique et même l’authenticité du
projet politique à l’endroit de la liberté effective des individus. Je rappelle donc sans provocation et bien que la chose soit
systématiquement entendue de cette oreille, que le projet libéral ne vise
qu’une seule et bien petite facette de la liberté, qui est celle de la «
liberté d’entreprendre », ce qui a sans doute une importance centrale dans le
monde du marché et de l’entreprise qui est devenu le monde de l’expression et
de la « reconnaissance » généralisée de la valeur, fût-elle-même la valeur
intellectuelle, la valeur des idées reconnues comme étant dignes d’être
représentées sur le marché des idées. On comprendra sans forcer que je conçois
derrière cette façade d’autres consistances de la pensée et du jugement. J’ai
peut-être tort. Après tout le monde n’est peut-être qu’une surface sans
profondeur, ou plutôt une forme dont les profondeurs sont des extensions de la
surface. « La profondeur c’est la surface », dirait ou aurait dit Vladimir Jankélévitch. Je pense donc que le théâtre
du marché et que le marché des représentations nous présentent la vision d’une
liberté d’empaquetage qui contient pour la plupart des acteurs, du moins pour
le gros contingent des classes ouvertement exploitées, de la petite bourgeoisie
laborieuse, de la bourgeoisie moyenne qui idéalise la croissance et
l’entreprise, et même d’une partie non négligeable de l’aristocratie
capitalistique, politique, journalistique, universitaire et médiatique, de
droite comme de gauche, beaucoup plus de bonnes vieilles pièces d’aliénation,
sonnante et trébuchante, que de véritables pépites de liberté.
ans ce contexte donc où ce que
Bourdieu aurait appelé l’euphémisation des concepts de liberté et de
démocratie, il y a comme un malentendu entretenu sur l’idéal démocratique de
sociétés et d’institutions qui ne cessent de renouveler les conditions de
l’élitisme, de la sélection, de l’élection, du choix et de la distinction des
meilleurs, « aristocratie » humaniste et protectionniste (on protège, les
avantages acquis et les conditions de la sélection), et l’idée de démocratie
sert davantage de justification aux bons sentiments du bourgeois contrit et
satisfait de son humanité débordante, qu’au projet de partage des bénéfices de
l’opération capitalistique d’accumulation et de représentation.
Une fois donc posé ce cadre que tous
connaissent sans trop vouloir le dénoncer (car il en coûte pas mal des
bénéfices de la dite opération), il parait simple de comprendre comment la
machine électorale de représentation sélectionne systématiquement les gros
malins qui savent jouer à la fois de la revendication pseudo-démocratique
égalitaire et solidaire, et mettre en œuvre toute la puissance de la machine
capitalistique de représentation.
L’élection quelle qu’elle soit à
donc pour caractère, en régime non totalitaire, de mettre au pouvoir les
personnages les plus hâbleurs et les plus faux-jetons de l’univers intellectuel
: c’est normal, c’est volontaire et c’est voulu, et c’est le désir du plus
grand nombre. C’est dire si ce montage répond à une intention de maintien des
oligarchies dominantes ou simplement folkloriques, et s’il traduit un désir
diffus conscient ou inconscient, de maintien des superstructures de
l’organisation capitalistique oligarchique : noblesse d’état, de média, de partis,
sélection universitaire, cooptations institutionnelles, le gouvernement de
toujours les mêmes par toujours les mêmes qui fait plaisir à presque tout le
monde.
Que demande le peuple?
a fait plaisir à presque tout le
monde et il est difficile de dénoncer ce montage politique bien connu et
critiqué par la plupart avec d’autant plus de véhémence qu’il convient à la
plupart, comme compatible avec une idée morale de la démocratie réelle.
La démocratie « réelle », qui certes
n’existe pas dans la réalité politique du monde actuel (mais ce n’est pas une
raison pour renoncer à son advenue), la démocratie véritable donc, est possible
et sans une extraordinaire élaboration constitutionnelle, bien qu’elle soit par
rapport à la notre, effectivement inconcevable sans une réforme
constitutionnelle radicale, supprimant quasiment tous les processus électoraux
au bénéfice de tirage au sort de magistrats suffisamment nombreux, et dont la
compétence ne soit corrélée qu’à leur désir de s’impliquer dans la machine
politique de responsabilité et en aucun cas garantie par un quelconque niveau
scolaire ou universitaire. Non pas la société des experts mais la société des
citoyens concernés.
l me parait donc très
naturellement, et cela bien-sûr uniquement sous les régimes riches et prospères
des démocraties « libérales », complètement immoral d’aller voter pour des
représentants, de quelque bord ou parti qu’ils soient, à l’exception bien-sûr,
de tous les votes et de toutes les votations qui ont pour objet des problèmes
ou des choix de société, des référendum (ou referenda), qui sont au contraire
particulièrement propices au développement de la « véritable » constitution
démocratique.
Pourquoi ce phénomène contradictoire
qui veut que l’élection soit particulièrement propice à désaliéner et à
émanciper les peuples qui vivent sous des régimes totalitaires (et j’emploie le
terme au sens d’Hannah Arendt), et que dans les oligarchies pseudo
démocratiques de droite comme de gauche, elle soit de nature à entretenir
l’aristo-élitisme mérito-sarko-cratique?
Rappel :
Modalité
Analogisme – Obsession
Oligarchie
panoptique et élective.
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Discontinuités
Morales
|
Quantité
Naturalisme – Paranoïa
Monarchie.
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Discontinuités
Physiques
|
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Continuités
Physiques
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Qualité
Animisme – Schizophrénie
Démocratie.
|
Continuités
Morales
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Relation
Totémisme – Hystérie
Oligarchie
représentative.
|
Je suis confus mais convaincu de
dire que la simple consultation de mon petit tableau des intempérances, qui
n’est certes pas du tout le « mien » mais appartient à beaucoup de monde (et du
beau!), suffit à faire à peu près pleinement comprendre les raisons
structurelles (et historiques?) de ce phénomène des phénomènes psychologiques
et sociaux :
epuis les strates anthropologiques
et historiques des monarchies et des féodalités, comme aussi bien des empires,
anciens et modernes (et c’est peut-être là que mon propos et relativement
compatible avec ceux de Toni Negri), il se développe tendanciellement ou
inéluctablement des espaces de partage du pouvoir qui idéalisent (et je dis bien
qui « idéalisent ») le partage du pouvoir comme tel en tant que principe, et on
comprend bien statistiquement ou simplement arithmétiquement qu’à partir du
pouvoir d’un seul, toute mise en œuvre du scrutin populaire soit de nature à
aller vers le partage.
Par contre, une fois obtenu le statut
« névrosé » de la politique de représentation quelle qu’elle soit, on comprend
bien aussi que cette pratique ne puisse aboutir qu’au maintien de l’élito-manie
de type sarkozien et de la mérito-manie de type entrepreneuriale.
Quel curieux sentiment ou plutôt
quel curieux affichage de sentiment que celui qui consiste à fustiger les
abstentions et les courageuses négligences des ceux qui ne vont pas voter, que
ce soit par désintérêt ou pas fainéantise, lorsque ce n’est pas par sentiment
politique. Quelle comportement profondément immorale que cette tendance qu’on
rencontre chez tous les prosélytes et les organisateurs de campagnes
électorales, aussi bien celle des passionnés sincères de politique «
responsable » et « participative » que de ceux qui place la participation à
l’intérieur des isoloirs.
omment peut-on faire la morale à
ceux qui ne vont pas voter en invoquant la citoyenneté : N’est-ce pas là la
situation la plus réactionnaire que le désir de récupérer de miettes
d’influences puisse faire naître dans la République panoptique des oligarchies
électives et représentatives ?
J’ai placé en opposition
dialectiques sur mon tableau synoptique des régimes politiques et des
personnalités, les procédures sélectives scolaires mais aussi bien esthétiques,
religieuses ou sectaires, en opposition aux procédures électives électorales,
mais aussi bien médiatiques, artistiques, journalistiques ou … politiques.
oilà pourquoi je pense maintenant,
alors que j’ai toujours à peu près sincèrement et naïvement été voter pour des
représentants, qu’il ne faut en aucun cas répondre à cette injonction
intolérable de l’opinion et de l’institution Républicaine qui veut se faire
passer pour une démocratie, d’aller participer à cette pitrerie qui a pour
effet de reproduire aussi systématiquement les élites et les « décideurs » les
plus caricaturaux, les plus grossiers et les plus nuisibles aux nations, aux
individus et aux « masses ».
Je dis tout cela avec quelque petite
violence (civilisée tout de même) car la conscience que j’en prends (et que
j’aimerais en faire prendre) peut laisser, qu’on le veuille ou non, sur un
certain sentiment d’amertume. Celle-ci n’exprime en aucun cas un pessimisme ou
un quelconque sentiment eschatologique mais au contraire une joie toute
spinozienne d’en appeler à autre chose.
J’appelle encore, au désert
mais sans désespoir.