Il n’y a pas « une » sexualité. Il y en a une infinité.
C’est comme
la substance ou la matière :
Est-ce que la substance ou la matière
« existent » c’est-à-dire « m’existent », moi qui suis
constitué d’elle?
Perçues comme « uniques », chacune pour leur propre compte,
ces entités sont forcément abordées par le biais d’une métaphysique.
Si par
contre on opère une distinction interne à chacune d’elles
et des parties à
l’intérieur de chacune d’elles,
si on peut les observer « analytiquement »,
on peut alors les aborder par le biais d’une « physique »,
histoire
naturelle des choses,
attitude chirurgicale ou « dissection » de la
chose qui permet d’accéder au concept,
et de proposer une « leçon de
chose ».
Il y a plusieurs sexualités que je voudrais présenter ici une fois de plus dans un
tableau fétiche :
l y a tout d’abord le sexe pervers (le
premier aurait dit Freud), totalement libre et totalement anormal, anomique,
amoral, puissant, participant dès son arrivée dans le monde humain d’une
structure que je pense assez congruente à celle que je présente dans cet
ouvrage si toutefois je ne suis pas dément.
La où les formes de la sexualité sont riches, c’est là où elle
s’auto-déforme, c’est le domaine suprême de l’ « anomalie »,
l’espace sans limite des « perversions », un domaine dont on peut
avoir le sentiment qu’il garantit la richesse de la pensée, c’est un peu vrai,
mais aussi un domaine qui pose en permanence les problèmes de la morale et de
l’éthique. Et là encore, et peut-être plus que partout ailleurs, ces domaines
nous confrontent à la difficulté de distinguer les comportements individuels
des faits collectifs.
uis il y a ce que j’appellerai le sexe
schizo-parano-œdipien : on a vu que c’est le domaine des personnalités et
des tempéraments (il n’y a pas de « personnalité » ou de « tempérament » pervers).
Dans cette catégorie on distinguera donc le sexe œdipien sur lequel je
n’ai rien à dire de plus que ce qu’en ont fait les psychanalyses.
Mais il y a aussi, et c’est sans doute tout l’objet de ma préoccupation
dans ces écrits, le sexe « psychotique » d’une manière générale,
c’est-à-dire le sexe schizo et le sexe parano.
Tout cela est affaire de géométrie plane euclidienne ou non
euclidienne, mais très simple.
Le sexe schizo est celui qui est promu par le Christ : on n’en
dit pas grand-chose, on n’en fait pas des gorges chaudes, on a à son endroit un
certain respect, il n’est pas l’objet d’un refoulement de principe, mais il
respect avant toute chose l’idée toute nouvelle d’intimité qu’il inaugure. Il
ne détermine aucunement son « orientation » (homo, hétéro), et il ne
juge pas les situations de sexualité multiples autrement qu’en dénonçant leurs
dérives (lapidation de la femme adultère). Il ne prône pas particulièrement la
conjugalité bien qu’il ne la condamne en aucun cas.
Le sexe parano a peut être le même type de rapport assez
« imprécis » aux grandes règles de la logique des relations, mais
dans une position bien-sûre antinomique au précédant puisque sa finalité repose
sur le projet de constitution de la « position d’autorité » et sur
une sorte de « finalité d’influence » qui est l’opposé de l’attitude
schizo du « laisser venir » (à moi les petits enfants). La sexualité paranoïaque
a peu d’intérêt pour la structure conjugale, mais un peu plus pour la structure
familiale et plus encore pour la petite institution politique plus ou moins
sectaire, plus ou moins mafieuse, mais aussi bien pour les grands idéaux de la
République (De Gaulle). Il est porteur comme le précédant de cette sorte de
discrétion à l’endroit du phénomène sexuel lui-même qui est peut-être ce qui a
fait parler Lacan de forclusion du nom du père, ce qui une fois de plus ne me
parait pas du tout applicable à cet endroit malgré ce qu’on peut fantasmer
comme opération du signifiant linguistique de nomination des groupes sociaux et
de chaque individu au sein du groupe, surtout lorsqu’il y a conflit
intergroupes,(parallèle possible entre la théorie de la forclusion et les mythes freudiens de la horde primitive). Je
crois que le plus bel exemple de fonctionnement des sexualités paranoïaques est
donné par les mœurs mafieuses : tolérance sans limites les débordements
sexuels lorsqu’ils vont dans le sens de la culture du prince et sanctionnant sans limites les petites dérives
susceptibles de mettre en question l’adhésion inconditionnelle au
« parrain » si bien nommé.
n troisième « étage » des fonctionnements
de la sexualité pourrait être constitué par l’état des différentes formes
structurelle de la pulsion et du désir lorsqu’on s’approche du « milieu du
tableau », lorsque les psychopathologies deviennent
« processuelles », c’est-à-dire quand la personne est
« malade » ou « vraiment malade ». On sait qu’à ce moment là
dans la plupart des cas, la pulsion a tendance a baisser en intensité et à
donner lieu aux fameuses « impuissances » ou
« frigidités » temporaires
« anhédonies » (qui n’ont les unes et les autres rien a voir avec les
« pannes sexuelles » dont tant de psycho-névrosés se plaignent quand
« tout va bien » dans le tempérament et dans la
« personnalité » (et à ce sujet on peut noter que la « panne
sexuelle » n’est pas un sport que pratiquent régulièrement les
« pervers »)), mais ce n’est pas une règle absolue car bien des
malades ne présentent pas d’altération de la puissance génésique, voire peuvent
présenter à l’occasion de « dépressions » des épisodes de défenses
hypersexuelles (démon de midi, etc.). Il y a donc toute une « zone »
de fonctionnement où les pathologies ou la pathologie génère des modifications
un peu anarchiques mais toujours temporaires de la puissance et du désir
sexuel.
nfin au cœur du tableau, on constate par
contre que la structure commande une sorte de disparition complète de la
pulsion (Syndrome de Cottard par exemple), qui si elle n’est aussi en règle
générale que temporaire, n’en est pas moins extrêmement dangereuse.
Nous avons donc décliné ici un feuilletage des positions qui ne sont
pas celles du kamasoutra mais qui peuvent aussi nous donner quelques indication
sur ce qui se joue dans le rapport de l’être humain à son propre sexe (et donc
à l’autre).
Et je rappelle à cet effet le « tableau » dont je
m’autorise ici à produire ce discours un peu contourner et certainement très
lourd :
Sexualité
Stalinienne
Nationale socialiste
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Sexualités Acétique
et Anorexique
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Sexualité
Sadienne Tyrannique
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Sexualités Rituelle
et Liturgique
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Machines Œdipiennes
Sélectives Voyeuristes
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Machines Célibataires Paranoïaques Monarchistes
|
Sexualités Mythique
et Fictionnelle
|
Machines Célibataires Schizophrènes Démocratiques
|
Machines Œdipiennes Expressives Exhibitionnistes
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Sexualité
Anarchique ou Libertaire Masochique
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Sexualités Hédoniste
et Boulimique
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Sexualité
Romaine Fasciste
Mafieuse
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