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Performence et pertinence, deux mamelles de la permanence de l'état.

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                                                                 « Ad naturam substantiæ pertinet existere. »
                                                                 « Il appartient à la nature d’une substance d’exister. »

                                                                 Spinoza Ethique I Proposition 7.

 
Le culte festif et médiatique de la performance se voit maintenant rattrapé par le culte intello puritain de la pertinence. Performance et pertinence sont les deux mamelles de la permanence de l’état nation et par exemple de l’administration française accréditant les différentes instituions grassement subventionnées par ses largesses et par la manne tombée du ciel de nos cotisations sociales tendanciellement et exponentiellement pléthoriques. La pertinence est même devenue depuis quelques temps le nec plus ultra du style dynamique adapté et heureux. Il faut aussi être beau, de préférence. Beau, heureux, et pas con.

Riche de tous ces attributs, l’homme (ou la femme) blanc(he) dynamique, moral(e), et ayant le moral, se doit aussi pour maintenir ce dernier, de remplir les conditions de sa reconnaissance par les institutions, et en particulier celles de la République, garantissant la pertinence de ses actions plus encore que celles de ses pensées. Actions au sens de Spinoza tout autant qu’à celui du Crédit Lyonnais. Il y a d’ailleurs tout une littérature officielle au principe de cette garantie. Laissons donc là ceux qui ont besoin de prouver combien l’institution doit avoir besoin d’eux. Interrogeons nous plutôt sur la vertu informative de ces concepts dans le champ social et politique qui fait le terreau de nos subjectivités bien souvent ravagées par ces même concepts.

Là encore (comme pour « travail », « famille », « patrie », « vérité », « amour », « savoir », « pouvoir », et encore une bonne petite bande de « concepts »), il s’agit d’un concept de la classe particulière des concepts qui enjoignent leurs récepteurs de remplir les conditions qu’ils désignent. Je n’ai pas trouvé de formule plus simple en dehors peut-être du terme kantien de « principe ». Je me suis toujours demandé ce qu’en pensent les philosophes.

Comme « compétence(s) », les termes de « performance » et de « pertinence » désignent des concepts qu’il n’est pas question que le récepteur n’envisage pas comme nécessités transcendantales, « apodictiques », dans sa propre existence, dans sa propre attitude, dans son propre comportement.

Il y a donc avec ces mots un exercice directif de la langue, ce que Deleuze et Guattari ont appelé fonction du « mot d’ordre », un commandement à être comme ceci ou comme cela, à faire ceci ou cela, à penser comme ceci ou comme cela.

En définitive la difficulté avec ces fonctions du langage consiste tout autant à penser le statu des mots qui n’exercent pas cette fonction. Le terme de « concept » tel qu’il est usité par Kant semble présenter la garantie de cette sorte d’innocence native, ou de neutralité un peu suisse, qui pourrait laisser penser qu’on peut s’y prendre avec les concepts comme avec les outils du bricoleur, dans l’autonomie et dans la liberté. C’est sans doute à cette charnière que la table des catégories est à distinguer de la table des jugements ou des principes.

Mais tout cela est depuis longtemps passé de mode dans les usages et la pensée du monde politique.

Les maîtres concepts sont devenus la pertinence de la performance.

Ils n’ont de neutralité que leur coté « technique » pour ne pas dire « technologique ».

Ils sont ce par quoi on évalue une pratique, une personne, une pensée, une institution, etc.

Ils sont ce qui permet de légitimer l’ « évaluation » à la place du « jugement », jugé trop protestant ou trop puritain par des institutions qui se défendent de toute morale religieuses trop immédiate et de traitement « pastoral » des âmes.

Il est vrai que le kantisme nous avait laissé sur un sentiment de respect de l’autre dans les cadres d’une religion pas tout à fait émancipé de ses tutelles d’église, et que présenter des « outils » performant et pertinents pour définir la valeur des êtres en dehors de ses « a priori », semble donner aux positions pragmatique et empiriques une petite couleur de liberté libérale qui peut plaire aux commerçants du concept que sont devenus tendanciellement les représentants élus du peuple (je ne dit pas du peuple élu bien qu’il soit aussi lui aussi un peu dans le coup de cette affaire de la chasse aux sorcières d’un jugement devenu un peu trop « catholique », ou plutôt protestant, voire piétiste).

Mais c’est avant tout le continent américain qui nous oriente (il faudrait dire nous « occidente ») vers cette tendance aux cultes chez nous prétendus laïcs de la pertinence et de la performance. Il trouve d’ailleurs dans la vieille Europe sous ce titre de la laïcité et même depuis la bonne pensée d’une certaine gauche qui a su adapter son piétisme laïc aux conditions du marché, des appuis non négligeable pour son efficacité (je ne dis pas sa pertinence ou sa performance) dans nos propres institutions.

L’un des maitre-outils de cette nouvelle Héloïse du monde politique est l’usage inconditionnel et tous azimuts de la statistique.

Les statistiques nous disent tout : ce que nous sommes, combien nous le sommes, combien nous pourrions ne pas l’être, combien nous allons vivre, quels seront nos désirs demain, qui va gagner le jackpot. Elles sont bien sûr le fruit expérimental substantifique sur le terrain de la belle science mathématique que sont les probabilités, et qui nous ont tant appris sur le monde, sur nous mêmes, sur la pensée, et même sur l’au-delà.

Il serait possible que la statistique traduise parfois les moyennes pondérées du désir des statisticiens, mais cela constituerait alors l’expression d’un biais méthodologique du à un manque de performance ou de pertinence de ces derniers.

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