Tableaux
Introductions

Textes Psychologiques
Commentaires sur « Fragments de métaphysique existentielle » de Laurent Derobert. Logique subjective

Textes Politques
Accueil

Regrettant vivement de n’avoir pu participer à la présentation de cet ouvrage à l’UPAvignon, j’en dépose ici un commentaire qui aura pour fonction, outre de compenser mon absence et le plaisir perdu, de prolonger un débat, et d’en maintenir la possibilité.

Le texte extraordinaire et extraordinairement  esthétique, éthique, et thétique de Laurent Derobert  dont j’ai lu la substance sur la partie en ligne sur le site  de L’UPA, m’évoque un certain nombre de commentaires que je ne résiste pas au plaisir d’exprimer sur cette page tout aussi fictive que  les précédentes.
Ce document troublant et innovant dans le domaine de la logique et de la « mathesis » aussi bien existentielle qu’intellectuelle, m’interroge et me charme.
D’abord par sa complétude rhétorique,  poétique et dialectique, mais aussi par  son audace intellectuelle à affronter le fantasme  d’une explication possible de l’être humain, de ses passions, et de ses stratégies.
Par la maîtrise des savoirs de l’écriture mathématique (ou des écritures mathématiques).
Enfin parce qu’il s’adresse à des problèmes et à des questions sur lesquels je m’évertue depuis bien longtemps et avec beaucoup moins de moyens, à reprendre  par définitions, par axiomes et quelques  vues si possibles critiques, en tout cas susceptibles de permettre un degré minimum d’émancipation de mes petites angoisses et de mes petites questions psychologiques personnelles, sinon métaphysiques.
Il m’interroge par la forme de par son développement, sur une vision de l’être de la métaphysique qui n’est, si j’ai bien compris, pas si différent que ça de l’être « psychique » de l’aliéné moyen, en un mot, du quidam, qui pense, un peu, pas seulement à l’école, ou  à la télé, mais un peu aussi dans l’exercice de sa propre existence sociale.

Quelles questions m’a donc posé ce texte ?
Essayons de les sérier :

- Tout d’abord il parle de la passion. Pas d’emblée, mais pas non plus d’une façon marginale. Il me semble même passionné par la passion, ce qui, grand Dieu, n’est pas un défaut, ni une erreur. Et parmi les passions, il traite essentiellement  la question du rapport des amants. On pourrait s’interroger sur la place laissée au rôle de la passion des amants dont le rapport ne se fait pas.

- Mais autant que la question des amants, ce texte présente une version logique de la position du Sadique et du Masochiste, ce qui à ma connaissance n’a été proposé nulle part. : « Est sadique celui qui réduit son dédale quand s’accroît le dédale d’autrui.» Si j’en juge par ma compréhension du « système » de cette « mathématique existentielle », il aurait donc tendance, le même sadique, à accroître son « vestale » quand celui d’autrui se délite. Au fond, il arrange ses affaires en général au détriment de cet autrui qui pourrait lui poser le problème de la passion, mais que le temps ne lui laisse pas loisir d’investir comme interlocuteur, une fois passée l’étape déterminante du rapport sexuel imaginaire ou intellectuel.

-  Qui donc aujourd’hui garanti quelque rigueur dans la connaissance du fait pervers ? Le psychanalyste tapi dans son échoppe (mais il ne les cherche pas comme clients)? Le psychiatre expert garanti par sa « formation universitaire » et son expérience protégée par les murs du service de force (mais les DSM éradique de son champ de compétence toutes les « perversions ») ? Le flic de quartier dont on ne doute pas qu’il soit en contact avec un certain nombre de pervers, de part et d’autre de la « barrière » du jugement positif et du jugement social ? Le juge chez lequel de toute façon la fonction de jugement émancipe de la nécessité de comprendre et d’expliquer … la perversion ? Le metteur en scène de films policiers dont on ne doute pas que l’intérêt pour la perversion est d’autant plus grand que le statu de producteur de média lui permet de se tenir plus loin des personnages réels qu’il décrit sous cette rubrique ? Bien-sûr que je ne puis répondre à cec questions, mais je soutiens vivement comme c’est le cas ici, que toute démarche qui « ose » une incursion théorique non « comportementaliste » et non protégée par le manteau d’une « philosophie analytique », dans les espaces infinis et plus ou moins désertiques de la perversion réelle, constitue un mouvement heureux pour l’esprit.

- Ce texte par ailleurs, dans une rubrique que je n’aurais peut-être pas posée comme celle du « Dédale passionnel instruit des fantasmes des amants » mais plutôt dans celle de la « névrose » d’une manière générale (mais les amants dans le monde libéral dégagent davantage d’affects névrotiques que de signes absolument passionnels), présente une formule du narcissisme qui me semble particulièrement probante pour définir les positions de la névrose capitalistique : consomption hystérique et convulsive, récupération obsessionnelle et compulsive, qui me semblent respectivement bien représentées par les formules de l’ « alter-égoïsme » et de l’ « égo-altruisme », avec peut-être une petite tendance pour mon intuition à en inverser les formules : « soi au travers d’autrui » pour la première, et « autrui à travers soi » pour la seconde. Mais cela ne participe que d’une « intuition » personnelle.

- Enfin et peut-être plus encore que ne me semble importer les remarques précédentes, il faudrait discuter ici la structure très «lacanienne» de l’être proposé, et reposant sur les trois consistances de l’imaginaire, du réel, et du symbolique, ici le « vécu »,  le « rêvé », et le « pensé », dans une version donc renouvelée, et qui comporte toute sa pertinence. Je voudrai cependant rester prudent à l’endroit de ce mythe ou de ce phantasme de la structure d’un monde à trois registres « noués » entre eux de façon symétrique, chez Lacan, mais aussi dans le système qui nous est ici présenté. Je ne pense pas qu’on puisse mettre le réel sur les mêmes plans logiques que la dimension imaginaire du rêve, ou que la consistance symbolique de la pensée et de la connaissance. Que les trois instances soient à l’œuvre en  tout être parlant ne fait aucun doute pour moi. Mais il y a une position d’antécédence du réel, ou une position du réel comme conditionnant les autres instances, qui me semble incontestable, et qui n’apparaît ni dans la théorie de Lacan ni ici. Je crois que c’est ce qui fait de ces visions extrêmement esthétiques, le côté un peu détaché à l’endroit du réel, ayant pour effet corollaire de passer sous silence, l’ensemble des réalités politiques qui conditionnent, elles, bien réellement, la possibilité d’un tel discours, le discours du sujet, pour le sujet, au sujet du sujet, attendant du sujet le salut du sujet, et restant bien sûr toujours sujet à discussions, puisque la machine intellectuelle de représentation et d’érotisation du « sujet », permet d’aligner un ensemble de formules qui marchent toujours assez  bien, et peuvent faire école ou rester dans leur isolement ‘pathologique », mais qui ne sont par contre pas spécialement propices à contester dans l’école, la légitimité des dogmes intellectuels de l’école, qui sont aussi déterminants des cycles et des styles de comportements attendus des écoliers par les scholarques. Il peut y avoir là à l’œuvre une marque de ce que j’appelais sur les bases de la même idée lacanienne un peu confuse, dans mon texte d’avant 2002 sur la critique paranoïaque du jugement, le « refoulement du politique par la psychanalyse » (voir ici autocitation dans mon texte : temps de rôle et temps de parole.)

Je veux rappeler par là une critique qui s’adresse dans les faits et dans les intentions à la vision du monde lacanienne, qui est en train de s’éteindre petit à petit après s’être pas mal értendue, ce qui n’est pas un drame, au bénéfice de nouvelles structures de la pensée qui sont la plupart du temps infiniment moins belles et « compréhensives » que celle présentée ici par Laurent Derobert, dont encore une fois, je ne fais ici une critique formelle que sur un élément à mon sens « discutable », et pour le plaisir de le discuter, d’autant que lui propose ici quelque chose qui n’a apparemment pas vocation à faire école, mais plutôt de proposer une éthique qui me semble plus proche de celle de Spinoza que de celle de Françoise Dolto ce qui donne de l’air.     

*******

 Je me suis donc permis de reprendre littéralement (avec sans doute des approximations inesthétiques et une technique d’écriture des sigles mathématiques balbutiante) certaine partie du texte concerné, et de surcharger ces lignes de quelques commentaires contestables mais vivement intéressés, en italique :

           ********
 
« Minimiser ne veut pas dire annuler, mais réduire le plus possible. L’objet est davantage de concilier les êtres que de les confondre, d’en trouver les distances harmonieuses plutôt que de les abolir : réduire le dédale tout en maintenant une dynamique du vivant. »

Voilà qui pose le problème du rapport sexuel tel que l’a posé Lacan.

 « Seul le sujet peut évaluer ces distances car seul il en est la

Mesure.»

L’être est don la mesure de toute chose.

 « k1 : importance accordée à soi (coefficient d’égoïsme).
k2 : importance accordée au monde (coefficient d’altruisme).
α: importance accordée au plaisir relativement à soi (α 1) et au monde (α 2).
β: importance accordée à la vertu relativement à soi (β 1) et au monde (β 2).
γ: importance accordée à la connaissance relativement à soi (γ 1) et au monde (γ 2). »
«La proximité entre vécu et rêvé est supposée corrélative du sentiment de plaisir,
celle entre rêvé et réel du sentiment de vertu,
celle entre réel et vécu du sentiment de connaissance

Science Connaissance(γ)

réel

(β)Vertu Philo

 

 

 

Vécu
(symboliquement ou réellement?)

(α)Plaisir Art

Rêvé (imaginaire)

 
Un tel montage va tout à fait dans le sens de la logique des prédicats de Robert Blanché que j’ai commenté et certainement totalement dévoyée dans le présent ouvrage en ligne. Voir en l’état actuel du site dans les « Tableaux » : Blanché et « Mon calcul des prédicats » qui doit certes arracher pas mal de cheveux à un mathématicien ….
Comme dans le nouage lacanien des trois instances, ce schéma semble considérer ces rapports dans une triangulaire  et absolue symétrie alors que de ces trois instances on peut dire que "seul le réel ne trompe pas".
Nous sommes ici confrontés à la nécessité de considérer deux types de réel, le réel vivant (biologique ou organique) et le réel mort (minéral). On sait que Lacan n’avait tendance à considérer que ce dernier. Il y a pour pourtant une réalité du corps vivant. Elle est précisément ce que la psychanalyse lacanienne a distingué comme ce qui ne trompe pas.
 Est-il donc toujours probant de nouer symétriquement ou "isocèlement" ces instances?

« L’ensemble des coefficients éthiques Φ = {k1, k2, α 1, β 1, γ 1, α 2, β 2, γ 2} représente le système de valeurs du sujet à un instant donné. »
« Soit le domaine de définition des êtres réels du sujet, c’est-à-dire l’ensemble de ses êtres réels possibles (qu’il lui est permis d’espérer). »

Que peut vouloir dire l’expression « être d’un sujet » ? Et que peut-il vouloir dire à proprement parler?

 « Est sadique celui qui réduit son dédale quand s’accroît le dédale d’autrui. »

Est-ce compatible avec la définition du passionnel. Les dédales avec des coefficients K négatifs sont considérés comme participant de la perversion, et ceux avec des coefficients alpha béta, gamma négatifs sont considérés comme « non classiques », voir non occidentaux. Les non occidentaux seraient-ils pervers ? Alpha négatif : sujet « contralucide » ???

 Théorème de Térence ( ?) :

«La positivité des valeurs classiques implique la modération des ascendants.» 

Est-ce à entendre comme une critique ou une limite de la possibilité de penser pour l’occident?

 «Le mouvement des êtres et des mondes sera supposé toujours et partout continu.» ….

Mais

                        « Il arrive parfois qu’au seuil d’un bonheur..  (ou d’un malheur) .. attendu, un homme explose les êtres et mondes qu’il avait toute sa vie cherché à rapprocher. »

 « Le schizophrène se caractérise dans le modèle par de fréquentes hyper-accélérations dans la transformation de ses êtres et mondes et une forte élasticité de ses valeurs.»

Cela ne va pas dans le sens de la description classique des formes autistique ou déficitaires de la « schizophrénie tableau » du XXième siècle : il y a des formes très conservatrices ou obsessionnelles de schizophrénie dont on pourrait cependant aussi penser qu’elles produisent des réactions de défenses contre une labilité de fond,  qui serait alors ici très bien décrite … et confirmerait l’opposition avec la paranoïa qui tend à « figer » des valeurs (souvent négatives) de sa propre histoire, et c’est donc une vision qui va parfaitement dans mon sens. C’est le « Zéro-élasticité éthique des … psychorigides ».

 « Une passion radicale et exclusive se traduit dans le modèle par un essor du coefficient d’altruisme »

Dans cette formule des rapports du sujet au monde, le monde est remplacé formellement par l’objet d’amour (ou de haine, j’imagine). Cela peut poser le problème d’un « reste » de rapport au monde du passionné qui ne figure plus dans l’écriture et qui est peut-être déterminant : il y a le rôle de tous les « témoins » de la passion, et de ce qu’on pourrait appeler « l’amour des témoins », et qui peut-être confondu avec la passion elle-même.
Mais au-delà de cette remarque de détail, on peut se demander plus fondamentalement si ce n’est pas le coefficient k1 d’égoïsme qui est en inflation dans le processus passionnel, le « sujet » en venant à confondre sa construction imaginaire et idéale avec l’objet d’amour qui passe par là.
Par ailleurs,  les quatre degrés complémentaires concernant le dédale passionnel « instruit par les amants » peuvent  très bien répondre aux postions cardinales des structures psychopathologiques :

 « Si les deux sujets sont passionnés l’un de l’autre, on a le système d’interdépendance ci-contre.
Avec pour l :

k1 : degré d’égoïsme a priori
k2 : degré d’altruisme a priori, pour l * et son monde L*
K1 : degré d’égoïsme a posteriori
K2 : degré d’altruisme a posteriori, pour l * seulement

Et réciproquement pour l * :

k1* : degré d’égoïsme a priori
k2* : degré d’altruisme a priori, pour l et son monde L
K1*: degré d’égoïsme a posteriori
K2*: degré d’altruisme a posteriori, pour l seulement »

 On passe donc là déjà du registre du sujet à celui de la machinerie intersubjective.
Et effectivement il semble que l’on ait tout à gagner à aborder dans cette articulation la fonction du temps telle que Kant l’a traitée avant même la considération de formes pures de l’intuition, c’est-à-dire, celle de l’expérience du monde à mettre en lien très serré avec celle de l’autre.

 « Dédale passionnel instruit des fantasmes des amants
k1 : degré d’égoïsme pur
k2 : degré d’altruisme pur
k3 : degré d’ego-altruisme (soi au travers d’autrui)
k4 : degré d’alter-égoïsme (autrui à travers soi) »

 Et il est donc intéressant de constater que c’est ce passage qui permet de mettre en évidence dans l’être des distorsions susceptibles d’organiser un certain type de rapports  sociaux et de civilisation.

k4 : degré d’alter-égoïsme (autrui à travers soi)

k1 : degré d’égoïsme pur

k2 : degré d’altruisme pur

k3 : degré d’ego-altruisme (soi au travers autrui)

Ou l’inverse pour k3 etk4

 

k3 : degré d’ego-altruisme (autrui à travers soi)

k1 : degré d’égoïsme pur

k2 : degré d’altruisme pur

k4 : degré d’alter-égoïsme (soi au travers autrui)

(Je dis ça d’une manière entièrement intuitive et surtout parce que cela rend la présentation entièrement compatible avec le cadre des psychopathologies que j’ai proposé dans le présent ouvrage!)

 
« L’angoisse est inversement proportionnelle au sentiment d’être aimé de ceux que l’on aime »

(C’est sûr)

 « L’être réel admet deux composantes, l’une objective, l’autre intersubjective : l’être authentique et l’être mondain; d’une part les caractéristiques intrinsèques du sujet, d’autre part ce que les autres en voient. »

(Oui, et elles s’inscrivent dans un rapport d’incompossibilité dialectique qui donne au même être, bien du fil à retordre.)

 « Une personne est aussi bien ce qu’elle estime lui rester à vivre que ce qu’elle vit et a déjà vécu. »
« Un sujet est ainsi la matrice de ses êtres passés, présents et futurs, et son identité en est la combinaison orchestrée par son appréciation du temps.»

 
« In fine, les êtres et mondes passés qui nous structurent ne sont pas immuables. Lorsque les dédales à venir sont anticipés comme non solubles, lorsque la minimisation est pressentie comme nécessairement insuffisante, quoi que l’on fasse dans un système donné, la seule issue est de dynamiter le dédale pour pouvoir espérer le résoudre à terme. »

« In fine » ou peut être même en permanence, selon des cycles critiques qui sont inhérent à cet être métaphysique et qui peuvent faire penser à ceux de Kichin, Juglar, Kuznets, Kondritieff, et consorts, puisque l’être est un scintillement, une respiration …

 « Le sentiment de liberté est inscriptible dans l’être et le monde vécus, et réside fondamentalement dans le pouvoir de minimiser son Corto impunément. »

N’est-ce pas précisément là un double lien ?

 « Le sentiment de liberté est proportionnel à la taille des domaines des êtres et mondes possibles. Sans doute œuvrons-nous autant à l’extension de ces domaines qu’à leurs intersections.»

N’est-ce pas là une vision « romantique » ?

« REMARQUE 5. Ultime réflexion : l’intrication des êtres d’une tribu dans un dédale trans-générationnel, le trouble de la résolution en soi du dédale des êtres disparus et à venir. »

« Dédale trans générationnel »
Formule à définir… 
Belle façon de laisser la question de l’inceste en suspend.
Ce qui peut laisser à penser que ce n’est pas le rapport sexuel, mais l’inceste comme concept et comme évènement qui ne peut pas s’écrire…

  Au total et pour mon usage personnel et pour préciser les attendus : 

ego-altruisme
(autrui à travers soi)
Je pense à la « pathologie » « obsessionnelle »

 

égoïsme pur
Je pense à la « pathologie » « paranoïaque »

 

Référence modifiée au livre de Laurent Derobert.

 

altruisme pur
Je pense à la « pathologie » «schizophrénique »

 

alter-égoïsme
(soi au travers autrui)
Je pense à la « pathologie » « hystérique ».

Haut de la page

Accueil